Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/88

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vouement pour les malades et le courage en face de la mort sont en raison directe, non pas seulement de sa croyance en des récompenses célestes, mais en raison aussi de son renoncement aux tendresses humaines ; tandis que les mères de famille qu’on met aux prises avec des affections contagieuses se soucient peu de porter le croup, par exemple, aux bébés qui les attendent à la maison pour prendre le sein.

Puis il ajoutait, en parlant des aumôniers :

— Pourquoi les chassez-vous ! Ils parlent de Dieu aux mourants et Dieu n’existe pas ? Eh bien ! qu’est-ce que cela vous fait, si le prêtre console le malade et si le malade puise dans ces consolations-là, soit le calme nécessaire pour supporter la douleur, ce qui ne peut que nous aider à le guérir, soit la résignation pour aller sans terreur de vie à trépas ? On nous permet bien d’user du chloroforme, de la morphine, de l’azote pour endormir les souffrances physiques ; pourquoi refuser les anesthésiques moraux tels que les consolations de la religion, puisqu’ils produisent les mêmes effets que nos stupéfiants chimiques sur bon nombre de ceux que nous avons mission de soulager ou d’envoyer le plus doucement possible dans l’autre monde ?

Le jeune docteur, qui plaisantait volontiers son ami Gilbert sur ses illusions, sa croyance au bien, ses hésitations à accepter le mal, professait le même scepticisme en politique, tout simplement parce qu’il n’avait aucune ambition politique. Il estimait qu’il fallait que la France fût bien malade pour qu’un aussi