Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/186

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Pendant son récit, la misérable créature ne se trahit pas un instant ; elle eut l’affreux courage de prononcer le nom de la pauvre petite victime, et le magistrat ne vit en elle qu’une femme douloureusement frappée.

Au moment même où elle terminait son récit, les ouvriers arrivaient.

M. Richard se transporta aussitôt dans le jardin, où, après avoir pris les noms de ces hommes, il leur commanda de ne pas reprendre leurs travaux ; puis, aidé de son secrétaire, qui l’avait rejoint, il procéda à l’examen des lieux.

Cela fait, il rédigea un rapport où se trouvait consigné tout ce qui lui semblait de nature à mettre la justice sur les traces des malfaiteurs : l’état de désordre de la chambre de Mme  de Ferney, l’énumération des objets volés, la disparition de la petite Berthe, les empreintes de pas au pied de l’échelle, et la porte de l’impasse restée ouverte.

Ce qui surprenait le commissaire de police, c’était que la serrure de cette porte ne paraissait pas avoir été fracturée ; mais en examinant le mur qui séparait l’hôtel du terrain vague qui lui était contigu, il supposa que les voleurs s’étaient introduits en escaladant cette barrière facile à franchir, et qu’ils n’avaient alors passé par la porte que pour s’enfuir.

— Je crois, madame, dit le fonctionnaire à Jeanne, lorsqu’il vint la prier de signer son procès-verbal, qu’il faudrait télégraphier de suite à monsieur votre mari, puisqu’il est absent.

— C’est vrai, monsieur, je vais lui adresser immédiatement une dépêche. M. de Ferney est à Douai. Mais sa fille ? Mon Dieu ! sa fille ?

— J’espère encore qu’il ne lui est arrivé aucun mal. S’ils avaient voulu se débarrasser à jamais d’un témoin, les malfaiteurs l’auraient fait ici même. L’enlèvement de cette pauvre enfant permet de supposer que les misérables veulent en faire seulement un objet de chantage, une espèce d’otage qu’ils offriront de rendre en échange d’une somme d’argent ou tout simplement d’une promesse d’impunité.

— Ah ! Dieu le veuille !

Et, sans trembler en prononçant ce blasphème, la digne fille de Méral salua M. Richard et rentra chez elle, pour rédiger le télégramme suivant à l’adresse de M. de Ferney, à Douai :

« Revenez vite. Un grand malheur. Des voleurs se sont introduits dans l’hôtel et ont enlevé Berthe. La police est sur leurs traces. »

Ensuite, lorsqu’elle eut ordonné de porter immédiatement cette dépêche au bureau voisin, elle reprit la plume pour écrire les lignes suivantes à M. de Serville :


« Cher bien-aimé, un épouvantable événement a suivi de près votre départ. Des voleurs, à l’affût sans doute, ont gagné mon appartement par l’échelle de la serre, et non seulement ils ont enlevé mes bijoux et mon argent, ce qui n’est rien,