Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/268

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— Alors vous seriez vraiment un peu chez vous.

— Oh ! seulement si vous le vouliez bien ; comme les esclaves sont chez eux dans la maison de leur maître.

— Alors, invitez vos amis pour demain soir, vous leur offrirez le thé… chez nous.

Et, retirant ses deux mains que l’Anglais couvrait de baisers, Jeanne s’élança dans la pièce voisine dont elle ferma vivement la porte sur elle.

Le gentleman poussa un cri de joie et se releva, le visage rayonnant.

Puis, lorsque Sonia parut quelques secondes après pour l’accompagner jusqu’au rez-de-chaussée, il lui glissa une poignée de souverains et sortit, ivre de bonheur.

Pendant ce temps-là, la pseudo-comtesse relisait attentivement l’acte qui la rendait propriétaire de son hôtel et murmurait :

— Allons, la bonne chance est revenue. Près d’un demi-million pour son début, lord Rundely fera bien les choses.


III

À la chaîne.



Lord Rundely faisait partie de plusieurs cercles, mais c’était ordinairement au Reform-Club qu’il se retrouvait le soir avec ses amis, après le théâtre. C’est là où il se fit conduire en quittant Thurloe square.

Son amour ne lui avait pas fait oublier son pari et il tenait à le gagner, non par intérêt, nous venons de voir combien l’argent lui coûtait peu, mais par vanité.

En moins d’un quart d’heure, il eut atteint Pall-Mall, où se trouvait Reform-Club, et ses amis, qui l’attendaient, le reçurent avec des sourires ironiques, car, depuis deux jours, il leur promettait de prouver qu’il était vainqueur dans l’étrange lutte qu’il avait engagée avec eux.

Ces messieurs avaient bien cherché également l’adresse et le nom de la belle inconnue, mais soit qu’ils s’y fussent maladroitement pris, soit que la chance ne les eût pas favorisés, ils n’avaient rien trouvé.

— Souriez, plaisantez, moquez-vous, mes très chers, leur dit lord Rundely, mais soyez assez bons pour me suivre dans le fumoir ; j’ai une petite explication à vous donner.