Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/28

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Lorsqu’il l’eut traîné à quelques pas de là, il saisit la bêche à son tour et reprit le travail que son crime avait interrompu.

C’était un spectacle horrible que celui qu’offrait dans la nuit sombre ce fossoyeur homicide, qui rejetait sur un corps inanimé la terre qu’il fouillait pour y chercher un autre cadavre, celui d’un enfant.

Quoiqu’il fût évidemment peu fait à ce rude labeur, il multipliait ses efforts et creusait toujours ; mais l’instrument ne rencontrait aucun obstacle, bien que le trou eût déjà plus d’un mètre de profondeur.

— C’est cependant bien là, se dit-il, en relevant la tête. Dutan n’avait aucun intérêt à me tromper. Et, d’ailleurs, ce sol a été remué depuis peu, c’est certain. Voyons, c’est sans doute plus bas encore ! Creusons !

Et reprenant sa tâche, le meurtrier fit voler de nouveau la terre autour de lui, la lançant au hasard, sur le corps de Jérôme, sans se soucier de celui qu’elle enveloppait de plus en plus comme d’un pesant linceul.

Cela dura une demi-heure, une heure peut-être.

Les cheveux hérissés, l’œil hagard, le hideux travailleur râlait ; sa bouche écumante laissait échapper d’horribles blasphèmes, d’épouvantables malédictions ; mais rien, toujours rien !

Cependant l’excavation était profonde de près de deux mètres !

— Oh ! pensa-t-il tout à coup, est-ce que je serais venu trop tard !

Et cette idée, en germant soudain dans son esprit, lui causa sans doute une indicible émotion, car il fut obligé de se soutenir contre les parois de cette fosse qui ne voulait pas lui rendre un enfant et où deux hommes auraient pu aisément disparaître.

Saisissant dans ses mains maculées de boue son front inondé de sueur, il se mit alors à réfléchir.

— Oui, se dit-il bientôt, c’est cela, ça ne peut être que cela ! J’aurais dû m’en douter plus tôt, le sol offrait trop de résistance, il n’a pas été remué aussi profondément. Oui, l’individu qui a aidé Dutan à enfouir ce coffre a voulu voir par lui-même ce qu’il contenait. Dans quel but ? Qu’en a-t-il fait ensuite ? S’il n’avait pas conçu quelque projet, il l’eût remis là et je l’aurais retrouvé ! Oh ! je veux savoir le nom de cet homme ! Mais, celui qui est là, comment expliquerai-je ? S’il n’était pas mort !

En prononçant ces mots qui exprimaient son seul espoir, le meurtrier se hissa hors du trou et, se précipitant vers sa victime, l’arracha de la terre qui la couvrait en partie, lui souleva la tête et mit la main sur sa poitrine. Mais le cœur du malheureux ne battait plus.

De l’horrible blessure qu’il avait reçue au sommet du crâne, le sang avait coulé sur son visage, dont les traits exprimaient encore la douleur et l’épouvante.

— Malédiction ! s’écria l’inconnu, ah ! maintenant, tout est bien fini ! Elle est perdue. J’ai cependant fait de mon mieux !

Laissant alors retomber brutalement le cadavre de Jérôme, l’infâme s’élança vers la palissade du jardin, la franchit d’un bond et, sans jeter un regard en arrière, reprit en courant le chemin par lequel il était venu.