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le couvercle de la mystérieuse caisse et de le maintenir avec deux ou trois clous seulement.

Pergous n’eut donc que fort peu de peine à le soulever de nouveau, et sans la moindre émotion, avec le calme d’un gardien de la Morgue, il commença son horrible examen.

Cette petite tête qu’il aperçut tout d’abord, ces cheveux blonds couverts de poussière, ce visage d’enfant qui avait peut-être passé subitement d’un éclat de rire à l’agonie, rien de tout cela ne lui causa le moindre tressaillement ; mais la vue de la robe sous laquelle le corps disparaissait lui suggéra aussitôt des réflexions de nature à faire honneur à sa perspicacité.

— Non, se dit-il, ce n’est pas là un enfant mort de maladie, même d’une maladie rapide, on ne l’eût point enseveli tout habillé. C’est une fillette qu’on a supprimée brusquement à l’aide d’un crime, et il ne fallait pas que son cadavre fût retrouvé.

« Faute de mieux, soit parce qu’on craignait d’être vu, soit parce que le temps manquait, on l’a mis dans cette caisse, coffre à cachemires qui se trouvait sans doute à portée de la main du meurtrier ; puis, comme on n’a pu l’emporter dehors, on l’a glissée sous le parquet, là où Jérôme l’a découverte.

« Il ne s’agit plus maintenant que de chercher à quelle époque remonte ce drame et quels gens en ont été les acteurs. Il ne me sera pas difficile de savoir le nom de ceux qui ont habité l’hôtel de Rifay depuis vingt ans. C’est bien le diable si la disparition d’un enfant n’a pas fait quelque bruit ! Voyons un peu !

Et, soulevant les étoffes, qui étaient devenues molles comme de l’amadou, le misérable poursuivit sa recherche sur le petit cadavre, dont la peau desséchée retenait solidement les diverses parties.

— Oh ! dit-il, voilà qui est intéressant.

Il apercevait autour du cou de la morte un objet brillant.

C’était une légère chaîne d’or qui soutenait une petite croix et deux médailles.

— C’est ce qu’on appelle une pièce de conviction, poursuivit-il, en se parlant toujours à lui-même et en s’emparant de ce bijou. Peut-être vais-je trouver encore autre chose. Ne faisons rien à demi.

En disant ces mots, le hideux fossoyeur avait enlevé le corps et l’avait posé sur la table.

Il se mit ensuite à fouiller la caisse dans ses moindres recoins.

— Parfait ! s’écria-t-il tout à coup, parfait ! voilà un jalon de plus.

Sous l’épaisse couche de poussière formée par la décomposition des vêtements, il venait de découvrir un anneau d’or, anneau de mariage ou souvenir d’amour, car il s’y trouvait gravées, dans la partie interne, des initiales et une date qu’il déchiffra sans peine.

— J. A., 15 octobre 1850, murmura-t-il. Me voilà déjà fixé sur un point : cet ensevelissement, auquel il a certes manqué quelques formalités, n’a pas eu lieu antérieurement au 15 octobre 1850. Or, comme nous sommes en 1867, mes recherches n’auront à embrasser qu’une quinzaine d’années.

Mais, après un instant de réflexion, il s’écria :

— Sapristi ! quinze ans ce serait trop ; il y aurait prescription ! Espérons que le