Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/318

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tout a augmenté dans le pays où nous sommes. De plus, les communications sont très difficiles ; il faut aller loin, fort loin, et dame ! pendant toute la longue route qu’elle doit parcourir, notre cuisinière a joliment le temps de faire danser l’anse du panier. Je me demande même comment cette anse-là tient encore ! Ah ! les domestiques !

— Je voudrais bien que vous ne me prissiez pas pour un imbécile.

— Oh ! pouvez-vous croire !

— Allons, avouez tout simplement que vous voulez me faire chanter. Vous savez bien que je n’ai pas d’argent, puisque vous m’avez tout pris.

— Tout ce que vous aviez dans vos poches, c’est vrai ; mais là-bas, rue du Four-Saint-Germain, on m’a dit que vous aviez un sac énorme.

— On vous a trompé. D’ailleurs vous ne supposez pas que je vais vous donner la clé de ma caisse.

— Je l’ai, cher monsieur, je l’ai, et même celle de votre porte.

Pergous eut un frisson.

Pierre lui avait, en effet, pris ses clefs en même temps que son argent. Ne pensant pas toutefois que le misérable oserait s’introduire dans sa maison, il lui répondit :

— Eh bien, allez chez moi !

— Non pas, quoique ce ne serait, point là un vol avec effraction, passible de l’article 381.

— Ah ! vous connaissez bien votre Code.

— J’ai beaucoup voyagé et, vous le savez, les voyages forment l’esprit. Je pourrais donc, avec une certaine sécurité, me servir de vos clefs ; cependant je préfère autre chose.

— Quoi ?

— Vous avez confiance en ce bon monsieur Philidor ?

— Oui. Après ?

— Procédons par ordre. Vous avez confiance en ce bon monsieur Philidor ?

— Oui, mais que vient-il faire ici ?

— Dans un petit mot que vous lui écrirez, vous lui direz de me remettre… voyons, combien ? Mille, deux mille, trois mille ; oui, trois mille francs.

— Trois mille francs !

— Je crois que cette somme suffira ; et, comme je lui apporterai la clef de votre caisse, la chose marchera toute seule. Je n’oublierai pas de rassurer votre fidèle secrétaire à l’égard de votre santé.