qui, il y a une douzaine d’années, a tenté d’assassiner la seconde femme de son père.
— Que me dites-vous là ?
— La vérité, que je tiens de bonne source, je vous l’affirme. Si M. Raoul n’avait pas été le fils d’un magistrat, c’est-à-dire si on avait ébruité l’affaire, ce à quoi s’est opposée de toutes ses forces sa belle-mère, il aurait été traduit devant la cour d’assises et condamné tout au moins à rester dans une maison de correction jusqu’à sa majorité.
Cette horrible révélation avait causé à M. de Platen une telle surprise qu’il ne trouvait pas un mot pour l’exprimer.
Sans laisser au jeune comte le temps de se remettre, l’impitoyable créature poursuivit :
— Croyez-vous maintenant que si ce brillant militaire craignait qu’on informât M. de Bertout de cet épisode de sa jeunesse, il ne rentrerait pas immédiatement dans l’ombre ! Ne pensez-vous pas aussi que Mlle Marthe hésiterait un peu à devenir la femme d’un homme qui a débuté dans la vie en frappant d’un coup de couteau une autre femme ?
— C’est épouvantable ! fit Romuald ; mais qui oserait instruire de ce fait le général ? Ce ne sera certainement pas moi.
— Vous préférez donc que sa nièce, la jeune fille que vous aimez, épouse un meurtrier ?
— Non, mais que faire ?
— Me laisser agir.
— Vous !
— Moi-même. Je vous jure que, sans votre aide, je frapperai juste. Oh ! je ne dénoncerai pas M. de Ferney à son général ; seulement je lui ferai savoir que, s’il n’abandonne pas ses projets d’union avec Mlle de Bertout, vous serez mis au courant de sa conduite envers sa belle-mère. Je suppose que vous, gentilhomme russe, vous n’avez pas peur d’un officier français ?
— Si jeune que je sois, je ne crains personne. Dans notre pays, on nous apprend de bonne heure à être brave.
— D’ailleurs, M. de Ferney n’aura aucun motif de s’en prendre à vous.
— Croyez bien que, s’il s’adresse à moi, je saurai lui répondre, tout en vous gardant le secret. Cependant, permettez-moi une question ; Si vous vous trompiez, si cette histoire de tentative de meurtre n’était qu’une calomnie ?
— Elle est exacte en tous points.
— Puisqu’elle a été tenue secrète, comment la connaissez-vous ?