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Dutan, assassinat que, d’ailleurs, nos lecteurs s’en souviennent, elle n’avait pas ordonné.

Jeanne ne fit pas un mouvement en entendant prononcer cette condamnation ; elle avait vieilli de vingt ans et n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Plus sévère pour les complices de la marâtre, surtout pour Manouret, qu’elle savait être l’assassin de Berthe de Ferney, la cour le frappa de dix années de travaux forcés. Pierre le bossu n’eut, lui, que trois ans de prison, bien que l’article 341 du Code pénal qui était visé, permît de les condamner tous deux, ainsi que leur complice Rose Méral, aux travaux forcés à perpétuité, puisque la détention de Pergous avait duré plus de dix jours.

Mais les juges pensèrent, sans doute, en rédigeant leur arrêt, que la victime du guet-apens de Nogent était peu intéressante.

Clarisse fut acquittée. En prouvant qu’elle était l’objet des poursuites amoureuses de Pergous bien antérieurement au complot formé contre lui, son avocat persuada au jury qu’elle n’avait été que complice inconsciente et, par conséquent, irresponsable.

Quant à l’ex-avoué, convaincu d’avoir caché le cadavre d’une personne homicidée, il s’entendit avec désespoir frapper, par application de l’article 389, d’un emprisonnement de deux ans. Le tribunal lui infligeait le maximum de la peine, en raison de son passé.

Seule Françoise, la Fismoise, n’avait pas été poursuivie.

Se doutant sans doute qu’elle en aurait besoin un jour, sa sœur avait dissimulé le rôle qu’elle avait joué ; mais l’ex-propriétaire de l’hôtel de Reims avait dû comparaître comme témoin pour donner des renseignements sur Pergous, et, grâce à cette circonstance connue de son coquin de neveu, Armand-Louis, celui-ci s’était empressé d’assister aux débats, ce qui lui avait permis de s’écrier au moment de la condamnation de Rose-Jeanne Méral :

— Sapristi ! c’est dommage, car c’est une rude femme tout de même !

L’ignoble gavroche ne se doutait pas que c’était de sa mère qu’il parlait ainsi.

Quinze jours plus tard, Justin Delon, convaincu d’avoir assassiné Jérôme Dutan, était condamné, par contumace, à la peine de mort.

Le même jour on célébrait, à Saint-Thomas-d’Aquin, le mariage de Raoul de Ferney avec Mlle  Marthe de Bertout.

M. de Platen, complètement remis de sa blessure, assistait à la cérémonie, afin d’être un des premiers à complimenter son loyal et généreux adversaire.

Pour tenir sa promesse à Philidor, Armand de Serville l’avait fait entrer chez un avoué de ses amis, où le pauvre diable, tout en transcrivant des actes, s’efforçait d’oublier Marie, qu’il n’avait pas revue et dont le portrait, signé Pétrus, devait être une des toiles les plus remarquables du Salon de l’année suivante.

Ce portrait était intitulé « Saphir » ; mais si le peintre avait rendu avec une adorable vérité le charme profond des grands yeux bleus de son modèle, il n’avait pas