Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/440

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Mme  de Rennepont sa bouche décolorée, et, brisé par ce dernier effort, il retomba en poussant un soupir qui arracha un cri de désespoir à la malheureuse.

Pensant qu’il mourait, elle comprit alors instantanément ce qui se passait en elle depuis plusieurs semaines, c’est-à-dire combien elle aimait cet ami dévoué, dont la dernière parole était un aveu.

Au cri de la générale, Harris et Marie accoururent. La jeune fille non moins émue que Mme  de Rennepont puisque, elle aussi, aimait le mourant, reçut Fernande dans ses bras.

Cinq minutes s’écoulèrent, cinq minutes de tortures et d’angoisses que l’Américain termina tout à coup, en se tournant vers la jeune femme pour lui dire :

— Rassurez-vous, madame, la blessure de M. de Serville est grave, mais je réponds de lui.

Fernande crut avoir mal entendu, et, relevant la tête, elle interrogea le docteur des yeux plus encore que de la voix, car les sanglots faisaient trembler ses lèvres et arrêtaient ses paroles.

— Oui, madame, j’en réponds, répéta le médecin, la balle a traversé les chairs sans toucher aucun organe essentiel ; tenez, le voici qui revient à lui. Seulement, pas d’émotions, je vous prie ! Il est probable qu’il va être pris d’une fièvre ardente : le plus grand calme lui est nécessaire.

Mais Mme  de Rennepont n’écoutait plus Harris ; elle n’avait compris qu’une seule de ses phrases : « Je réponds de lui. »

Tournée vers le blessé, dont les yeux troublés la cherchaient, son cœur le lui disait, elle se sentait envahie par une joie immense, par un bonheur indéfinissable.

Sans force contre ce sentiment nouveau, elle s’y livra tout entière avec la loyauté de son âme ; elle s’agenouilla près du lit tout à la fois pour remercier Dieu et pour dire, par une douce étreinte, à celui qu’elle aimait : « Courage, ami, je suis là ! »

Le jeune homme comprit et voulut parler ; mais elle lui imposa silence d’une voix si tendre qu’il obéit comme un enfant et ne la remercia que du regard.

Lorsque Mme  de Rennepont se retourna vers Marie, qui, la mort dans l’âme, s’était éloignée de quelques pas, ce fut pour lui dire avec une grâce charmante :

— Vous avez appris mon secret en même temps que moi, mademoiselle ; M. de Serville y gagnera d’avoir à son chevet deux sœurs de charité. Nous le sauverons, et, si cela est possible, je vous aimerai encore davantage.

Huit jours plus tard, Armand était hors de tout danger.

Il se fit transporter chez lui, et bien qu’il eût quitté son amie la veille au soir, car elle et Marie s’étaient installées toutes deux à l’hôtel Bibesco afin de soigner à tour de rôle leur cher malade, il se préparait à lui écrire, lorsque Kervan lui remit une lettre que le domestique de la générale venait d’apporter.

L’artiste était à ce moment étendu sur le divan de son atelier. En recevant cette