Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/465

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— À demain !

— Au revoir, mon bon oncle. C’est égal, voyez-vous, j’ai bien fait d’aller à votre place chez l’amoureux de la générale. Jamais le brave Kervan ne vous aurait pris pour son petit Jean-Marie.

Et sans attendre la réponse du forçat qui, de meuble en meuble, s’était sensiblement rapproché, Louis fit un bond jusque sur le seuil de la porte et s’élança dans la rue.

— Tu verras que ce maudit gamin nous jouera quelque tour, dit Pierre furieux d’avoir manqué son neveu et en s’adressant à sa sœur.

— Pourquoi donc ? fit celle-ci en haussant les épaules, ça n’est pas son intérêt.

— Pourquoi ? Parce qu’il chasse de race et ne vaut pas mieux que sa coquine de mère !

— Pierre !

— Quoi ! ta sœur n’est pas le bon Dieu ; on peut en parler sans ôter sa casquette.

— Jeanne nous a donné beaucoup d’argent pour nous taire ; nous n’avons pas le droit de dire son secret. Tu sais bien qu’au premier mot, elle a le bras long, notre affaire serait claire.

— Oh ! patience ! ses amis n’en ont pas pour longtemps à être les plus forts. Nous verrons !

Puis, sans en dire davantage, mais en appuyant sa péroraison d’un geste menaçant, Méral se versa un verre d’eau-de-vie et l’avala d’un trait.

Pendant ce temps-là, Louis, après s’être procuré un sac de matelot et y avoir fourré les chemises qu’il avait volées à sa tante, une veste de rechange et quelques menus objets, reprenait gaillardement le chemin de la rue d’Assas, où bientôt il retombait dans les bras du bon Kervan, qui ne savait comment remercier le ciel de lui avoir rendu aussi miraculeusement le fils de son malheureux frère.

Le soir même, il prenait possession de la petite chambre que le brave serviteur lui avait préparée près de la sienne, et il savait, grâce aux questions qu’il lui avait adroitement adressées, que le peintre consacrait ses journées entières au travail et ne sortait que le soir pendant quelques heures.