Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/478

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils prirent ce chemin pour s’y rendre, mais Bernard poussa tout à coup un cri de colère.

La porte du caveau était ouverte, et la traînée de sang qui partait de là pour s’étendre le long de l’escalier et à travers le vestibule jusqu’à la porte de la rue, disait assez que l’assassin, malgré sa blessure, avait eu la force de s’enfuir.


VIII

Les amours de M. de Fressantel.



Gaston de Fressantel, que nous avons quitté sur le pont du Prince Impérial, au moment où l’apparition de sa jeune tante était venue l’arracher si brusquement à ses rêves de fortune, et retrouvé ensuite dans le salon de la Louve, ce soir même où la misérable avait accepté du docteur Harris le marché infâme par lequel elle vendait la vertu d’un ange et l’honneur d’un soldat, Gaston de Fressantel, disons-nous, avait accompagné la jolie veuve jusqu’à Paris, persistant hypocritement auprès d’elle dans son rôle de cavalier servant et de parent respectueux.

Mme  de Fressantel, qui ne connaissait rien de l’existence interlope de son neveu, avait reçu ses soins avec la plus vive reconnaissance.

Ne se doutant guère de la haine qu’elle inspirait à ce viveur débauché, dont elle avait involontairement complété la ruine, elle s’était sentie véritablement émue des égards qu’il avait eus pour elle et pour son enfant.

Lorsque, en arrivant à Paris, elle se sépara de son jeune parent à la porte de son hôtel, jadis si gai, si plein d’avenir, et où elle rentrait seule, elle lui tendit affectueusement la main, lui dit merci du fond du cœur et le pria de ne pas l’abandonner tout à fait dans sa solitude.

Son intention était d’ailleurs de ne rester à Paris que peu de jours, le temps nécessaire pour régler avec son notaire quelques affaires urgentes. Elle avait hâte de se réfugier en province, auprès de sa famille, pour y être tout entière à son deuil et à sa douleur.

M. de Fressantel avait donc pu supposer que sa tante ne serait pas toujours inconsolable ; mais comme il comprenait bien qu’il jouait là une grosse partie, il ne s’y était pas lancé tête baissée, sans réfléchir. Il avait, au contraire, étudié et dressé son plan de campagne en homme habile, se promettant de ne rien brusquer afin de ne pas risquer un échec irrémédiable.