Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/527

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Et pendant que le médecin se retirait, précédé par le domestique que le pharmacien avait envoyé à Saint-Philippe-du-Roule, il s’agenouilla de nouveau auprès de Sarah dont les yeux grands ouverts s’étaient fixés sur lui.

Il était évident que la victime de Pierre avait conscience de sa situation et qu’elle reconnaissait l’artiste.

— Sarah, lui dit-il, en se penchant à son oreille, voulez-vous que Dieu vous pardonne comme je vous pardonne ? Dites-moi ce que vous avez fait des lettres de Mme  de Rennepont.

Il avait pris sa main et guettait ses paroles au passage, mais les lèvres de la mourante s’agitaient sans émettre aucun son.

— Vous me comprenez, n’est-ce pas ? demanda-t-il affectueusement.

Elle fit du regard un geste affirmatif et sa physionomie refléta une indicible angoisse.

On devinait qu’elle voulait parler et ne le pouvait pas. Le sang qui lui montait à la gorge l’étouffait.

— Ces lettres sont-elles dans vos malles ? poursuivit le peintre, épouvanté de la rapidité avec laquelle la mort s’emparait de sa proie.

Les traits de la malheureuse restèrent immobiles.

— Les avez-vous remises à la comtesse Iwacheff ? Les a-t-elle encore ?

— Non, murmura Sarah.

— Qui les a ? Je vous en prie : son nom, son nom ! Au lieu de me souvenir du passé, je vous bénirai.

Armand l’avait prise dans ses bras ; il la tenait contre son cœur comme autrefois, et, ses yeux humides attachés sur sa bouche entrouverte, il attendait avec anxiété ce mot qui pouvait être le salut de Fernande.

— Le docteur ! gémit-elle enfin, d’une voix à peine perceptible.

— Le docteur ! répéta le jeune homme, tout étonné, le docteur ! Qui ça ? Tenez ! j’oublie tout, je vous pardonne ; mais ce nom, ce nom !

Ses lèvres se rapprochaient des lèvres de la comédienne, comme s’il eût voulu la ranimer de son haleine. Mais il poussa tout à coup un cri d’horreur et se rejeta en arrière en la laissant retomber sur sa couche.

Il venait de sentir passer sur son visage, en l’inondant d’une écume sanglante, le dernier souffle de celle qu’il avait tant aimée et si souvent maudite.

La morte avait emporté son secret.

Fou de désespoir, il s’élança dans la rue, où il arriva pour être témoin d’une scène odieuse.

Au moment où il allait atteindre le seuil de la porte de la pharmacie, le prêtre