Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

amant dans une chambre de cet hôtel en face, et nous avons entendu, dans la pièce voisine de la nôtre, deux hommes qui parlaient d’un complot pour livrer Paris.

— Ça n’est pas possible !

— C’est si possible que l’un d’eux doit partir cette nuit. N’est-ce pas, Ferdinand ? Ils parlaient de papiers à porter à Versailles.

— Certainement, affirma Philidor.

— Ils sont là tous deux ? demanda le commandant.

— Oui, dans cette chambre où vous voyez de la lumière. Il y en a encore au moins un, car, si j’ai bien entendu, il me semble que l’un des deux allait filer.

— Nous allons voir ça. Merci, citoyenne !

Et, ordonnant à une demi-douzaine de ses hommes de le suivre, le fédéré s’élança dans l’hôtel et en gravit lestement l’escalier.

— Venez, dit Marie au clerc de Me Labbé ; si le misérable se tire de là, c’est que Dieu lui-même voudra lui faire grâce.

Elle avait pris le bras de son compagnon et s’était éloignée déjà de quelques pas, lorsqu’elle reconnut Louis qui s’approchait d’elle.

Sans attendre qu’il lui adressât la parole, elle tira de son corsage cinq billets de banque et les lui tendit en disant :

— Vous avez tenu votre promesse, je tiens la mienne. Surtout ne tentez rien contre Mme  de Fressantel.

— Il n’y a pas de danger, répondit le neveu de la Fismoise en faisant disparaître les précieux chiffons dans sa poche. Ce qui est juré est juré ! Et puis, voyez-vous, j’aime mieux être de vos amis que de vos ennemis, car vous êtes une rude petite femme !

Mlle  Dutan s’était déjà éloignée. Il lui tardait d’aller rassurer Mme  de Rennepont.

— Eh bien, bon voyage ! dit philosophiquement le jeune gredin. Mais qu’est-ce qu’elle a pu dire à l’officier ? J’ai idée que mon excellent oncle file là-bas un vilain coton. Allons donc voir ça jusqu’au bout.

Pendant ce temps-là, le chef des fédérés avait pénétré dans la chambre où l’horrible Pierre, à peu près revenu à lui, cherchait à se rendre compte de ce qui s’était passé.

La vue des soldats lui fit faire un soubresaut d’étonnement que leur chef prit pour un mouvement de terreur, et il ordonna aussitôt à ses hommes de se jeter sur le forçat.

— Que me voulez-vous donc ? grommela le hideux personnage qui ne s’expliquait pas cette agression. Je suis le capitaine Méral, du 73e.

— Je sais que tu es un traître, riposta le commandant. Tenez-le bien, vous autres !

Il se mit à le fouiller avec dextérité.

Le frère de la Fismoise tentait vainement de résister, et lorsque le fédéré tira de sa poche non seulement le pli dans lequel Pierre croyait que se trouvait la correspondance de Mme  de Rennepont, mais encore les billets de banque et les rouleaux d’or qu’il avait volés chez la Louve, le misérable rugit de colère.