Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/88

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vantable, Justin fit un si vigoureux effort qu’il faillit s’échapper ; mais dix bras vigoureux le saisirent aussitôt.

Au même instant, Jeanne rejoignait Mme de Serville et l’interrogeait avec un accent d’épouvante admirablement joué.

— Un bien triste événement, mon enfant, lui répondit la mère d’Armand : un voleur s’est introduit dans la maison, et ce voleur, c’est Justin Delon.

— M. Delon ! Oh ! le misérable ! dit l’infâme créature, mais à demi-voix seulement car elle craignait que, du jardin, celui qu’elle perdait si odieusement ne l’entendît.

Quelques minutes après, le brigadier de gendarmerie arrivait avec deux de ses hommes. Armand lui raconta ce qui se passait.

— Monsieur, je vous en prie, lui dit Justin, laissez-moi parler à madame votre mère. Je veux lui expliquer… cela est trop affreux !

— Que me voulez-vous ? demanda Mme de Serville en s’avançant sur le perron, au pied duquel se passait cette scène.

— Vous prouver que je ne suis pas un voleur, madame, répondit Delon. Permettez-moi de vous dire quelques mots. Tenez, j’aperçois Mlle Reboul derrière vous ; elle sait bien que je suis incapable d’une pareille action. Si on vous a volé, ce n’est pas moi.

Afin d’éloigner tous les soupçons, Jeanne avait eu, en effet, la hardiesse de suivre Mme de Serville.

Celle-ci se retourna vers la jeune fille, qui répondit hypocritement :

— Mon Dieu ! qui sait, madame ? M. Delon n’est peut-être pas coupable ! Ne le perdez pas, attendez à demain. Tout ce mystère s’éclaircira peut-être.

— Demain ! pourquoi demain ? supplia Justin.

Mais Mlle Reboul avait déjà entraîné sa bienfaitrice qui lui disait, en se laissant reconduire chez elle :

— Vous êtes un ange, mon enfant ; vous ne pouvez soupçonner le mal.

Pendant ce temps-là, le brigadier s’assurait de son prisonnier et, tout en lui mettant les menottes, lui répétait :

— En attendant que la chose s’explique, monsieur Delon, comme j’ai depuis longtemps l’ordre de vous surveiller, je ne vous lâche pas !

Un quart d’heure plus tard, on enfermait Justin sous de solides verrous, dans une salle basse de la gendarmerie, où il tombait sur un siège, se demandant s’il n’était pas victime d’un horrible cauchemar.

Le lendemain matin, lorsque le maire de la Marnière, escorté du garde champêtre, se présenta au château pour recevoir la déposition de Mme de Serville et celle de son fils, on venait de trouver, dans le gazon entourant le bassin du parterre et au fond de ce bassin, les couverts d’argent qui manquaient dans la salle à manger.

Le doute n’était plus possible ; Delon était bien le voleur, puisqu’il avait dû