Page:Renan - De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation.djvu/19

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Il y a rarement cette finesse de sentiment moral qui semble être surtout l’apanage des races germaniques et celtiques. Les sentiments tendres, profonds, mélancoliques, ces rêves d’infini où toutes les puissances de l’âme se confondent, cette grande révélation du devoir qui seule donne une base solide à notre foi et à nos espérances, sont l’œuvre de notre race et de notre climat. Ici donc l’œuvre est mêlée. L’éducation morale de l’humanité n’est le mérite exclusif d’aucune race. La raison en est toute simple : la morale ne s’apprend pas plus que la poésie ; les beaux aphorismes ne font pas l’honnête homme ; chacun trouve le bien dans la hauteur de sa nature et dans l’immédiate révélation de son cœur.

En fait d’industrie, d’inventions, de civilisation matérielle, nous devons, sans contredit, beaucoup aux peuples sémitiques. Notre race, Messieurs, ne débuta point par le goût du confortable et des affaires. Ce fut une race morale, brave, guerrière, jalouse de liberté et d’honneur, aimant la nature, capable de dévouement, préférant beaucoup de choses à la vie. Le négoce, l’industrie ont été exercés pour la première fois sur une grande échelle par des peuples sémitiques, ou du moins parlant une langue sémitique, les Phéniciens. Au moyen âge, les Arabes et les juifs furent aussi nos maîtres en fait de commerce. Tout le luxe européen, depuis l’antiquité jusqu’au dix-septième siècle, est venu de l’Orient. Je dis le luxe et non point l’art ; il y a l’infini de l’un à l’autre ; la Grèce, qui, sous le rapport du goût, a