Page:Renan - De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation.djvu/29

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Arrivera-t-on à une vue plus certaine de la destinée de l’homme et de ses rapports avec l’infini ? Saurons-nous plus clairement la loi de l’origine des êtres, la nature de la conscience, ce qu’est la vie et la personnalité ? Le monde, sans revenir à la crédulité et tout en persistant dans sa voie de philosophie positive, retrouvera-t-il la joie, l’ardeur, l’espérance, les longues pensées ? Vaudra-t-il encore un jour la peine de vivre, et l’homme qui croit au devoir trouvera-t-il dans le devoir sa récompense ? Cette science, à laquelle nous consacrons notre vie, nous rendra-t-elle ce que nous lui sacrifions ? Je l’ignore. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en cherchant le vrai par la méthode scientifique, nous aurons fait notre devoir. Si la vérité est triste, nous aurons du moins la consolation de l’avoir trouvée selon les règles ; on pourra dire que nous aurions mérité de la trouver plus consolante ; nous nous rendrons ce témoignage que nous aurons été avec nous-même d’une sincérité absolue.

À vrai dire, je ne puis m’arrêter sur de telles pensées. L’histoire démontre cette vérité qu’il y a dans la nature humaine un instinct transcendant qui la pousse vers un but supérieur. Le développement de l’humanité n’est pas explicable, dans l’hypothèse où l’homme ne serait qu’un être à destinée finie, la vertu qu’un raffinement d’égoïsme, la religion qu’une chimère. Travaillons donc, Messieurs. Quoi qu’en dise l’auteur de l’Ecclésiaste, à un de ses moments de découragement, la science n’est pas « la pire occupation que Dieu ait donnée aux fils des hom-