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où l’âme la plus blasée devient patriote. Le VIe siècle fut pour le peuple juif une de ces heures. Il est vrai qu’en remontant plus haut, nous trouverions l’école parabolique, en particulier celle qui paraît s’être groupée autour d’Ézéchias, avec laquelle notre auteur a plus d’une affinité. Mais la langue du Cohélet porte si évidemment les caractères d’un âge relativement moderne, qu’il faut s’interdire des hypothèses qui placeraient le livre à côté des monuments classiques du génie d’Israël. Le Cohélet est sûrement postérieur à l’avènement des Achéménides, c’est-à-dire à l’an 500 avant J.-C.

Des raisonnements du même ordre porteraient à croire qu’il est antérieur à la crise suscitée par Antiochus Épiphane, vers l’an, 170 avant J.-C. Nous avons peine à concevoir notre auteur vivant au milieu des fougueux messianistes du temps des Macchabées. A partir de cette date jusqu’à la guerre d’Adrien, Israël a la fièvre ; il enfante dans la douleur ; il souffre pour l’humanité. Notre auteur, au contraire, est le plus calme des hommes ; ni le patriotisme, ni le messianisme ne le troublent ; il ne gémit que sur lui-même ; ses tristesses et ses consolations sont pour lui seul. On dirait que le judaïsme n’a pas encore été persécuté.

La conséquence à tirer de là, c’est que le Cohélet aurait été composé sous les Achéménides, ou du temps d’Alexandre, ou du temps de la domination des Ptolémées en Palestine. Mais, nous le répétons, de telles inductions sont bien souvent trompeuses. Une nation ne marche jamais tellement tout d’une pièce