Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cinq récits de la visite des femmes au tombeau sont si confus et si embarrassés, qu’il nous est certes fort loisible de supposer qu’ils cachent quelque malentendu. La conscience féminine, dominée par la passion, est capable des illusions les plus bizarres. Souvent elle est complice de ses propres rêves[1]. Pour amener ces sortes d’incidents considérés comme merveilleux, personne ne trompe délibérément ; mais tout le monde, sans y penser, est amené à conniver. Marie de Magdala avait été, selon le langage du temps, « possédée de sept démons[2] ». Il faut tenir compte en tout ceci du peu de précision d’esprit des femmes d’Orient, de leur défaut absolu d’éducation et de la nuance particulière de leur sincérité. La conviction exaltée rend impossible tout retour sur soi-même. Quand on voit le ciel partout, on est amené à se mettre par moments à la place du ciel.

Tirons le voile sur ces mystères. Dans les états de crise religieuse, tout étant considéré comme divin, les plus grands effets peuvent sortir des causes les plus mesquines. Si nous étions témoins des faits étranges qui sont à l’origine de toutes les œuvres de foi, nous y verrions des circonstances qui ne nous

  1. Celse faisait déjà sur ce sujet d’excellentes observations critiques (dans Origène, Contra Celsum, II, 55)
  2. Marc, xvi, 9 ; Luc, viii, 2.