Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/12

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ni même aux disciples immédiats de ce dernier. Paul n’a pas vu Jésus ; il n’a pas goûté l’ambroisie de la prédication galiléenne. Or, l’homme le plus médiocre qui avait eu sa part de la manne céleste était, par cela même, supérieur à celui qui n’en avait senti que l’arrière-goût. Rien n’est plus faux qu’une opinion devenue à la mode de nos jours, et d’après laquelle Paul serait le vrai fondateur du christianisme. Le vrai fondateur du christianisme, c’est Jésus. Les premières places ensuite doivent être réservées à ces grands et obscurs compagnons de Jésus, à ces amies passionnées et fidèles, qui crurent en lui en dépit de la mort. Paul fut, au premier siècle, un phénomène en quelque sorte isolé. Il ne laissa pas d’école organisée ; il laissa au contraire d’ardents adversaires qui voulurent, après sa mort, le bannir en quelque sorte de l’Église et le mettre sur le même pied que Simon le Magicien[1]. On lui enleva ce que nous regardons comme son œuvre propre, la conversion des gentils[2]. L’Église de Corinthe, qu’il avait fondée à lui seul[3], préten-

  1. Homélies pseudo-clémentines, xvii, 13-19.
  2. Justin, Apol. I, 39. Dans les Actes, règne aussi l’idée que Pierre fut l’apôtre des gentils. Voir surtout chap. x. Comparez I Petri, i, 1.
  3. I Cor., iii, 6, 10 : iv, 14, 15 ; ix, 1, 2 ; II Cor., xi, 2, etc.