Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/204

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a goûté le plus de joie. Le cantique « Oh ! qu’il est bon, qu’il est charmant à des frères d’habiter ensemble[1] ! » a cessé d’être le nôtre. Mais, quand l’individualisme moderne aura porté ses derniers fruits ; quand l’humanité, rapetissée, attristée, devenue impuissante, reviendra aux grandes institutions et aux fortes disciplines ; quand notre mesquine société bourgeoise, je dis mal, notre monde de pygmées, aura été chassé à coups de fouet par les parties héroïques et idéalistes de l’humanité, alors la vie commune reprendra tout son prix. Une foule de grandes choses, telles que la science, s’organiseront sous forme monastique, avec hérédité en dehors du sang. L’importance que notre siècle attribue à la famille diminuera. L’égoïsme, loi essentielle de la société civile, ne suffira pas aux grandes âmes. Toutes, accourant des points les plus opposés, se ligueront contre la vulgarité. On retrouvera du sens aux paroles de Jésus et aux idées du moyen âge sur la pauvreté. On comprendra que posséder quelque chose ait pu être tenu pour une infériorité, et que les fondateurs de la vie mystique aient disputé des siècles pour savoir si Jésus posséda du moins « les choses qui se consomment par l’usage ». Ces subtilités franciscaines redeviendront de grands

  1. Ps. cxxxiii.