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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/255

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l’autre[1]. Il y a pour elles, ce qui n’existe pas pour les natures froides, des moments solennels, des minutes qui décident du reste de la vie. Les hommes réfléchis ne changent pas ; ils se transforment. Les hommes ardents, au contraire, changent et ne se transforment pas. Le dogmatisme est comme une robe de Nessus qu’ils ne peuvent arracher. Il leur faut un prétexte d’aimer et de haïr. Nos races occidentales seules ont su produire de ces esprits larges, délicats, forts et flexibles, qu’aucune illusion momentanée n’entraîne, qu’aucune vaine affirmation ne séduit. L’Orient n’a jamais eu d’hommes de cette espèce. En quelques secondes, se pressèrent dans l’âme de Paul toutes ses plus profondes pensées. L’horreur de sa conduite se montra vivement à lui. Il se vit couvert du sang d’Étienne ; ce martyr lui apparut comme son père, son initiateur. Il fut touché à vif, bouleversé de fond en comble. Mais, en somme, il n’avait fait que changer de fanatisme. Sa sincérité, son besoin de foi absolue lui interdisaient les moyens termes. Il était clair qu’il déploierait un jour pour Jésus ce même zèle de feu qu’il avait mis à le persécuter.

Paul entra à Damas avec l’aide de ses compagnons,

  1. Comparez ce qui se passa pour Omar. Sirat errasoul, p. 226 et suiv.