Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/268

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crifié. Quel avantage en retiré-je ? » Là-dessus, leur tournant le dos, il se mit à parcourir les appartements, donnant des ordres pour les réparations, montant et descendant sans cesse. Les malheureux députés (entre lesquels Philon, âgé de quatre-vingts ans, l’homme peut-être le plus vénérable du temps, depuis que Jésus n’était plus) le suivaient en haut, en bas, essoufflés, tremblants, bafoués par l’assistance. Caligula, se retournant tout à coup : « À propos, leur dit-il, pourquoi donc ne mangez-vous pas de porc ? » Les flatteurs éclatèrent de rire ; des officiers, d’un ton sévère, les avertirent qu’on manquait à la majesté de l’empereur par des rires immodérés. Les Juifs balbutièrent ; un d’eux dit assez gauchement : « Mais il y a des personnes qui ne mangent pas d’agneau. — Ah ! pour ceux-là, dit l’empereur, ils ont bien raison ; c’est une viande qui n’a pas de goût. » il feignit ensuite de s’enquérir de leur affaire ; puis, la harangue à peine commencée, il les quitte et va donner des ordres pour la décoration d’une salle qu’il voulait garnir de pierre spéculaire. Il revient, affectant un air modéré, demande aux envoyés s’ils ont quelque chose à ajouter, et, comme ceux-ci reprennent le discours interrompu, il leur tourne le dos pour aller voir une autre salle qu’il faisait orner de peintures. Ce jeu de tigre, badinant avec sa proie,