Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/435

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façon, même par la menace de la peine de mort, en restreignant par toute sorte de précautions odieuses ou puériles un éternel besoin de l’âme[1]. Comme les auteurs de notre « Code civil », ils se figuraient la vie avec une mortelle froideur. Si la vie consistait à s’amuser par ordre supérieur, à manger son morceau de pain, à goûter son plaisir en son rang et sous l’œil du chef, tout cela serait bien conçu. Mais la punition des sociétés qui s’abandonnent à cette direction fausse et bornée, c’est d’abord l’ennui, puis le triomphe violent des partis religieux. Jamais l’homme ne consentira à respirer cet air glacial ; il lui faut la petite enceinte, la confrérie où l’on vit et meurt ensemble. Nos grandes sociétés abstraites ne sont pas suffisantes pour répondre à tous les instincts de sociabilité qui sont dans l’homme. Laissez-le mettre son cœur à quelque chose, chercher sa consolation où il la trouve, se créer des frères, contracter des liens de cœur. Que la main froide de l’État n’intervienne pas dans ce royaume de l’âme, qui est le royaume de la

  1. Digeste, I, xii, de Off. præf. urbi, 1, § 14 (cf. Mommsen, op. cit., p. 127 ; III, iv, Quod cujusc. 1 ; XLVII, xx, de Coll. et corp., 3. Il faut remarquer que l’excellent Marc-Aurèle élargit, autant qu’il put, le droit d’association. Dig., XXXIV, v, de Rebus dubiis, 20 ; XL, iii, de Manumissionibus, 1 ; et même XLVII, xxii, de Coll. et Corp., 1.