Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/457

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moins deux fois plus religieuse que la nôtre. Je dis « au moins » ; car il est probable que l’augmentation des facultés religieuses aurait lieu dans une progression plus rapide que l’augmentation de la capacité intellectuelle, et ne se ferait pas selon la simple proportion directe. Supposons une humanité dix fois plus forte que la nôtre ; cette humanité-là serait infiniment plus religieuse. Il est même probable qu’à ce degré de sublimité, dégagé de tout souci matériel et de tout égoïsme, doué d’un tact parfait et d’un goût divinement délicat, voyant la bassesse et le néant de tout ce qui n’est pas le vrai, le bien ou le beau, l’homme serait uniquement religieux, plongé dans une perpétuelle adoration, roulant d’extases en extases, naissant, vivant et mourant dans un torrent de volupté. L’égoïsme, en effet, qui donne la mesure de l’infériorité des êtres, décroît à mesure qu’on s’éloigne de l’animal. Un être parfait ne serait plus égoïste ; il serait tout religieux. Le progrès aura donc pour effet d’agrandir la religion, et non de la détruire ou de la diminuer.

Mais il est temps de revenir aux trois missionnaires, Paul, Barnabé, Jean-Marc, que nous avons laissés au moment où ils sortent d’Antioche par la porte qui conduit à Séleucie. Dans mon troisième livre, j’essayerai de suivre les traces de ces messagers de bonne