Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/321

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mémoire sur « les dits et faits » de Jésus, ces livrets avaient un caractère tout privé. Ce n’étaient pas des écritures authentiques, officielles, universellement reçues dans la communauté ; c’étaient des notes dont les personnes au courant des choses faisaient peu de cas et qu’elles jugeaient tout à fait inférieures comme autorité à la tradition[1].

Paul, de son côté, n’avait nullement l’esprit tourné à composer des livres. Il n’avait pas la patience qu’il faut pour écrire ; il était incapable de méthode ; le travail de la plume lui était désagréable, et il aimait à s’en débarrasser sur d’autres[2]. La correspondance, au contraire, si antipathique aux écrivains, habitués à exposer leurs idées avec art, allait bien à son activité fébrile, à son besoin d’exprimer sur-le-champ ses impressions. À la fois vif, rude, poli, malin, sarcastique, puis tout à coup tendre, délicat, presque mièvre et câlin, ayant l’expression heureuse et fine au plus haut degré, habile à semer son style de réticences, de réserves, de précautions infinies, de malignes allusions, d’ironies dissimulées, il devait exceller dans un genre qui exige avant tout du premier mouvement. Le style épistolaire de Paul est le

  1. Papias, dans Eusèbe, H. E., III, 39.
  2. Rom., xvi, 22.