Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/377

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juive, comme si Jésus ne les eût pas déclarées vaines, formait une compagnie insupportable pour Paul. Ce qui devait particulièrement l’irriter, c’était l’opposition de tout ce monde à la propagande. Comme les juifs de la stricte observance[1], les partisans de Jacques ne voulaient pas qu’on fît de prosélytes. Les anciens partis religieux arrivent souvent à de telles contradictions. D’un côté, ils se proclament seuls en possession de la vérité ; de l’autre, ils ne veulent pas élargir leur horizon ; ils prétendent garder la vérité pour eux. Le protestantisme français présente de nos jours un phénomène semblable. Deux partis opposés, l’un voulant avant tout la conservation des vieux symboles, l’autre capable de gagner au protestantisme un monde d’adhérents nouveaux, s’étant produits dans le sein de l’Église réformée, le parti conservateur a fait au second une guerre acharnée. Il a repoussé avec scandale tout ce qui eût ressemblé à un abandon des traditions de famille, et il a préféré aux brillantes destinées qu’on lui offrait le plaisir de rester un petit cénacle, sans importance, fermé, composé de gens bien pensants, c’est-à-dire de gens partageant les mêmes préjugés, envisageant les mêmes choses comme aristocratiques. Le senti-

  1. Voir ci-dessus, p. 60 et suiv.