Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/141

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pléments, des étais. On eût dit un animal dans sa crise génétique, se poussant un membre, se transformant un organe, se coupant un appendice, pour arriver à l’harmonie de la vie, c’est-à-dire à l’état où tout dans l’être vivant se répond, s’épaule et se tient.

Le feu d’une activité dévorante n’avait jamais jusque-là laissé à Paul le loisir de mesurer le temps, ni de trouver que Jésus tardait beaucoup à reparaître ; mais ces longs mois de prison le forcèrent à se replier sur lui-même. La vieillesse, d’ailleurs, commençait à venir pour lui[1] ; une sorte de maturité triste succédait aux ardeurs de sa passion. La réflexion se faisait jour et l’obligeait à compléter ses idées, à les réduire en théorie. Il devenait mystique, théologien, spéculatif, de pratique qu’il était. L’impétuosité d’une conviction aveugle et absolument incapable de revenir en arrière ne pouvait l’empêcher de s’étonner parfois que le ciel ne s’ouvrît pas plus vite, que la trompette finale ne retentît pas plus tôt. La foi de Paul n’en était pas ébranlée, mais elle voulait d’autres points d’appui. Son idée du Christ se modifiait. Son rêve désormais, c’est moins le Fils de l’homme, apparaissant sur les nuées, et présidant

  1. Philémon, 9.