Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/149

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la mythologie du monothéisme, et que nous avons cru voir poindre chez Simon de Gitton, se présente dès le ier siècle avec ses caractères principaux. Rejeter systématiquement au IIe siècle tous les documents où l’on trouve des traces d’un pareil esprit est fort téméraire. Cet esprit était en germe dans Philon et dans le christianisme primitif. La conception théosophique du Christ devait sortir nécessairement de la conception messianique du Fils de l’homme, quand il serait bien constaté, après une longue attente, que le Fils de l’homme ne venait pas. Dans les épîtres les plus incontestablement authentiques de Paul, il y a certains traits qui restent peu en deçà des exagérations que présentent les épîtres écrites en prison[1]. L’Épître aux Hébreux, antérieure à l’an 70, montre la même tendance à placer Jésus dans le monde des abstractions métaphysiques. Tout cela deviendra sensible au plus haut degré quand nous parlerons des écrits johanniques. Chez Paul, qui n’avait point connu Jésus, cette métamorphose de l’idée du Christ était en quelque sorte inévitable. Tandis que l’école qui possédait la tradition vivante du maître créait le Jésus

  1. Par exemple, II Cor., iv, 4, Satan est appelé « le dieu de ce monde », Comp. Jean, xii, 31.