Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/192

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déclara chez lui qu’après la mort d’Agrippine ; elle l’envahit bien vite tout entier. Chaque année maintenant est marquée par ses crimes : Burrhus n’est plus, et tout le monde croit que Néron l’a tué ; Octavie a quitté la terre abreuvée de honte ; Sénèque est dans la retraite, attendant son arrêt à chaque heure, ne rêvant que tortures, endurcissant sa pensée à la méditation des supplices, s’évertuant à prouver que la mort est une délivrance[1]. Tigellin maître de tout, la saturnale est complète. Néron proclame chaque jour que l’art seul doit être tenu pour chose sérieuse, que toute vertu est un mensonge, que le galant homme est celui qui est franc et avoue sa complète impudeur, que le grand homme est celui qui sait abuser de tout, tout perdre, tout dépenser[2]. Un homme vertueux est pour lui un hypocrite, un séditieux, un personnage dangereux et surtout un rival ; quand il découvre quelque horrible bassesse qui donne raison à ses théories, il éprouve un accès de joie. Les dangers politiques de l’enflure et de ce faux esprit d’émulation, qui fut dès l’origine le ver rongeur de la culture latine, se dévoilaient. Le cabotin avait réussi à se donner droit de vie et de mort sur son auditoire ;

  1. Comparez Consol. ad Marciam, 20.
  2. Suétone, Néron, 20, 29, 30 ; Dion Cassius, LXI, 4, 5.