Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/196

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nante de beauté ; on voulait l’image de la torture physique ; on s’y complaisait, comme le XVIIe siècle dans un marbre de Puget. Les sens étaient usés ; des ressources grossières, que les Grecs s’étaient à peine permises dans leurs représentations les plus populaires, devenaient l’élément essentiel de l’art. Le peuple était, à la lettre, affolé de spectacles, non de spectacles sérieux, de tragédies épurantes, mais de scènes à effet, de fantasmagories. Un goût ignoble de « tableaux vivants » s’était répandu. On ne se contentait plus de jouir en imagination des récits exquis des poëtes ; on voulait voir les mythes représentés en chair, dans ce qu’ils avaient de plus féroce ou de plus obscène ; on s’extasiait devant les groupes, les attitudes des acteurs ; on y cherchait des effets de statuaire. Les applaudissements de cinquante mille personnes, réunies dans une cuve immense, s’échauffant réciproquement, étaient chose si enivrante, que le souverain lui-même en venait à porter envie au cocher, au chanteur, à l’acteur ; la gloire du théâtre passait pour la première de toutes. Pas un seul des empereurs dont la tête eut quelque partie faible ne sut résister à la tentation de cueillir les couronnes de ces tristes jeux. Caligula y avait laissé le peu de raison qu’il eut en partage ; il passait la journée au théâtre à s’amuser avec les