Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Rome, depuis un siècle, devenait la merveille du monde ; elle égalait pour la grandeur les anciennes capitales de l’Asie. Ses édifices étaient beaux, forts et solides ; mais les rues paraissaient mesquines aux gens à la mode, car le goût se portait chaque jour de plus en plus vers les constructions banales et décoratives ; on aspirait à ces effets d’ensemble qui font la joie des badauds, on en venait à rechercher mille frivolités inconnues aux anciens Grecs. Néron était à la tête du mouvement ; la Rome qu’il imaginait eût été quelque chose comme le Paris de nos jours, une de ces villes artificielles, bâties par ordre supérieur, dans le plan desquelles on a visé surtout à obtenir l’admiration des provinciaux et des étrangers. Le jeune insensé s’enivrait de ces plans malsains. Il désirait aussi voir quelque chose d’étrange, quelque spectacle grandiose, digne d’un artiste ; il voulait un événement qui marquât une date pour son règne. « Jusqu’à moi, disait-il, on ne savait pas l’étendue de ce qui est permis à un prince[1]. » Toutes ces suggestions intérieures d’une fantaisie désordonnée semblèrent prendre un corps dans un événement bizarre, qui a eu pour le sujet qui nous occupe les conséquences les plus importantes.

  1. Suétone, Néron, 37.