Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/234

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de l’acteur. Ces hideux opéras, où la science des machines atteignait à des effets prodigieux[1], étaient chose nouvelle ; la Grèce eût été surprise, si on lui eût suggéré une pareille tentative pour appliquer la férocité à l’esthétique, pour faire de l’art avec la torture. Le malheureux était introduit dans l’arène richement costumé en dieu ou en héros voué à la mort, puis représentait par son supplice quelque scène tragique des fables consacrées par les sculpteurs et les poëtes[2]. Tantôt c’était Hercule furieux, brûlé sur le mont Œta, arrachant de dessus sa peau la tunique de poix enflammée ; tantôt Orphée mis en pièces par un ours, Dédale précipité du ciel et dévoré par les bêtes, Pasiphaé subissant les étreintes du taureau, Attys[3] meurtri ; quelquefois, c’étaient d’horribles mascarades, où les hommes étaient accoutrés en prêtres de Saturne, le manteau rouge sur le dos, les femmes en prêtresses de Cérès, portant les bandelettes au front[4] ; d’autres fois enfin, des

  1. Martial, Spectac., xxi.
  2. Martial, Spectac., v (cf. Suétone, Néron, 12 ; Apulée, Metam., I, 10), viii (cf. Suét., l. c.), xxi ; Tertullien, Apolog., 15 (cf. 9) ; Ad nationes, I, 10. La tunica molesta impliquait d’ordinaire la représentation d’Hercule sur le mont Œta (Juv., viii, 235 ; Martial, X, xxv, 5).
  3. Peut-être le confondait-on avec Adonis tué par un sanglier.
  4. Actes des martyrs d’Afrique, § 18.