Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/271

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n’existe plus ; un pré fauché repousse mieux qu’auparavant. Ainsi le christianisme, loin d’être arrêté par le lugubre caprice de Néron, pullula plus vigoureusement que jamais ; un surcroît de colère monta au cœur des survivants ; tous n’eurent plus qu’un seul rêve, devenir les maîtres des païens, pour les gouverner comme ils le méritaient, avec la verge de fer[1]. Un incendie, bien autre que celui qu’on les accuse d’avoir allumé, dévorera cette ville impie, devenue le temple de Satan. La doctrine de l’embrasement final du monde prenait chaque jour de plus fortes racines. Le feu seul sera capable de purger la terre des infamies qui la souillent ; le feu paraissait la seule fin juste et digne d’un tel amas d’horreurs.

La plupart des chrétiens de Rome que n’atteignit pas la férocité de Néron quittèrent sans doute la ville[2]. Durant dix ou douze ans, l’Église romaine se trouva dans un extrême désarroi ; une large porte fut ainsi ouverte à la légende. Cependant il n’y eut pas d’interruption complète dans l’existence de la communauté. Le Voyant de l’Apocalypse, en décembre 68

  1. Apoc., ii, 26-27.
  2. Cela résulte de l’Épitre aux Hébreux, v, 11-14, et surtout xiii, 24. Ces οἱ ἀπὸ τῆς Ἰταλίας paraissent être des fugitifs de l’Église de Rome.