Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/278

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aux Hébreux paraît un manifeste du même ordre. Aucun livre chrétien ne ressemble autant aux ouvrages de l’école juive d’Alexandrie, en particulier aux opuscules de Philon. Apollos était déjà entré dans cette voie[1]. Paul prisonnier s’y était singulièrement complu. Un élément étranger à Jésus, l’alexandrinisme, s’infusait de plus en plus au cœur du christianisme. Dans les écrits johanniques, nous verrons cette influence s’exerçant d’une façon souveraine. Dans l’Épître aux Hébreux, la théologie chrétienne se montre fort analogue à celle que nous avons trouvée dans les épîtres de la dernière manière de Paul. La théorie du Verbe se développe rapidement. Jésus devient de plus en plus le « Dieu second », le métatrône, l’assesseur de la Divinité, le premier-né de la droite de Dieu, inférieur à Dieu seul. — Sur les circonstances du temps où il écrit, l’auteur ne s’explique qu’à mots couverts. On sent qu’il craint de compromettre le porteur de sa lettre et ceux à qui elle est destinée[2]. Un poids douloureux semble l’oppresser ; son angoisse secrète s’échappe en traits courts et profonds.

Dieu, après avoir autrefois communiqué sa volonté

  1. C’est ce qui a porté beaucoup de critiques à croire que l’Épître aux Hébreux est l’ouvrage d’Apollos.
  2. De là peut-être ce titre vague πρὸς Ἑϐραίους, et aussi l’absence de salutations personnelles et de suscription.