Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/373

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Néron ne fit d’abord qu’en rire ; il témoigna même être bien aise qu’on lui fournît l’occasion de s’enrichir du pillage des Gaules. Il continua de chanter et de se divertir jusqu’au moment où Vindex fit afficher des proclamations où on le traitait d’artiste pitoyable. L’histrion écrivit alors, de Naples, où il était, au sénat pour demander justice, et se mit en route pour Rome. Il affectait cependant de ne s’occuper que de certains instruments de musique, nouvellement inventés, et en particulier d’une espèce d’orgue hydraulique sur lequel il consulta sérieusement le sénat et les chevaliers.

La nouvelle de la défection de Galba (3 avril) et de la jonction de l’Espagne à la Gaule, qu’il reçut pendant son dîner, fut pour lui un coup de foudre. Il renversa la table où il mangeait, déchira la lettre, brisa de colère deux vases ciselés d’un grand prix, où il avait accoutumé de boire. Dans les préparatifs ridicules qu’il commença, son principal souci fut pour ses instruments, pour son bagage de théâtre[1], pour ses femmes, qu’il fit habiller en amazones, avec des peltes, des haches et des cheveux coupés ras. C’étaient des alternatives étranges d’abattement et de bouffonnerie lugubre, qu’on hésite également à pren-

  1. Suétone, Néron, 44 ; Dion Cassius, LXIII, 26.