Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/378

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sât sa fosse à la taille de son corps, fit apporter des morceaux de marbre, de l’eau, du bois pour ses funérailles ; tout cela, pleurant et disant : « Quel artiste va mourir ! »

Le courrier de Phaon, cependant, apporte une dépêche ; Néron la lui arrache. Il lit que le sénat l’a déclaré ennemi public et l’a condamné à être puni « selon la vieille coutume ». — « Quelle est cette coutume ? » demande-t-il. On lui répond que la tête du patient tout nu est engagée dans une fourche, qu’alors on le frappe de verges jusqu’à ce que mort s’ensuive, puis que le corps est traîné par un croc et jeté dans le Tibre. Il frémit, prend deux poignards qu’il avait sur lui, en essaye la pointe, les resserre, disant que « l’heure fatale n’était pas encore venue ». Il engageait Sporus à commencer sa nénie funèbre, essayait de nouveau de se tuer, ne pouvait. Sa gaucherie, cette espèce de talent qu’il avait pour faire vibrer faux toutes les fibres de l’âme, ce rire à la fois bête et infernal, cette balourdise prétentieuse qui fait ressembler sa vie entière aux miaulements d’un sabbat grotesque, atteignaient au sublime de la fadeur. Il ne pouvait réussir à se tuer. « N’y aura-t-il donc personne ici, demanda-t-il, pour me donner l’exemple ? » Il redoublait de citations, se parlait en grec, faisait des bouts de vers. Tout à coup on entend