Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

presque impossible pour un homme instruit et sensé d’admettre l’authenticité du quatrième Évangile, et l’on eût cru alors ébranler le christianisme en doutant de l’authenticité de ce dernier document. En outre, la vision attribuée à Jean paraissait une source d’erreurs sans cesse renaissantes ; il en sortait des recrudescences perpétuelles de judéo-christianisme, de prophétisme intempérant, de millénarisme audacieux ? Quelle réponse pouvait-on faire aux montanistes et aux mystiques du même genre, disciples parfaitement conséquents de l’Apocalypse, à ces troupes d’enthousiastes qui couraient au martyre, enivrés qu’ils étaient par la poésie étrange du vieux livre de l’an 69 ? Une seule : prouver que le livre qui servait de texte à leurs chimères n’était pas d’origine apostolique. La raison qui porta Caïus, Denys d’Alexandrie et tant d’autres à nier que l’Apocalypse fût réellement de l’apôtre Jean est donc justement celle qui nous porte à la conclusion opposée. Le livre est judéo-chrétien, ébionite ; il est l’œuvre d’un enthousiaste ivre de haine contre l’empire romain et le monde profane ; il exclut toute réconciliation entre le christianisme, d’une part, l’empire et le monde, de l’autre ; le messianisme y est tout matériel ; le règne des martyrs pendant mille ans y est affirmé ; la fin du monde est déclarée très-prochaine. Ces motifs, où les