Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/99

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et que la forme de la polémique, conformément aux habitudes des gens du peuple, fut entre eux singulièrement âpre[1] ; la seconde, c’est qu’une pensée supérieure réunit, même de leur vivant, ces frères ennemis, en attendant la grande réconciliation que l’Église devait opérer d’office entre eux après leur mort. Cela se voit souvent dans les mouvements religieux. Il faut aussi, dans l’appréciation de ces débats, tenir grand compte du caractère juif, vif et susceptible, porté aux violences de langage. Dans ces petites coteries pieuses, on se brouillait, on se raccommodait sans cesse ; on avait des mots aigres, et néanmoins on s’aimait. Parti de Pierre, parti de Paul, ces divisions n’avaient pas beaucoup plus de conséquence que celles qui séparent de nos jours les différentes fractions de l’Église positiviste. Paul avait à ce sujet un mot excellent : « Que chacun reste dans le type d’enseignement qu’il a reçu[2] ; » règle admirable que l’Église romaine ne suivra guère plus tard. L’adhésion à Jésus suffisait ; les divisions confessionnelles, si l’on peut s’exprimer ainsi, étaient une

  1. Voir l’Épître de Jude, les chapitres ii et iii de l’Apocalypse, les traits fanatiques attribués à Jean (II Joh., 10-11 ; Irénée, Adv. hær., III, iii, 4), sans parler des duretés que présentent à chaque page les épitres de Paul.
  2. Εἰς ὃν παρεδόθητε τύπον διδαχῆς (Rom., vi, 17).