Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/123

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d’ordinaire les mémoires des disciples et en diminuer l’importance ; c’était la persuasion d’une fin prochaine du monde, l’assurance que la génération apostolique ne passerait pas sans que le doux Nazaréen fût rendu comme pasteur éternel à ses amis.

On a remarqué mille fois que la force de la mémoire est en raison inverse de l’habitude qu’on a d’écrire. Nous avons peine à nous figurer ce que la tradition orale pouvait retenir aux époques où l’on ne se reposait pas sur les notes qu’on avait prises ou sur les feuillets que l’on possédait. La mémoire d’un homme était alors comme un livre ; elle savait rendre même des conversations auxquelles on n’avait point assisté. « Des Clazoméniens avaient entendu parler d’un Antiphon, lequel était lié avec un certain Pythodore, ami de Zénon, qui se rappelait les entretiens de Socrate avec Zénon et Parménide, pour les avoir entendu répéter à Pythodore. Antiphon les savait par cœur, et les répétait à qui voulait les entendre. » Tel est le début du Parménide de Platon. Une foule de personnes qui n’avaient point vu Jésus le connaissaient ainsi, sans le secours d’aucun livre, presque aussi bien que ses disciples immédiats. La vie de Jésus, quoique non écrite, était l’aliment de son Église ; ses maximes étaient sans cesse répétées ; les parties essentiellement symboliques de sa biographie se repro-