Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/310

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l’éloignement des lieux fait commettre à l’évangéliste romain. Son exégèse ne repose que sur la version des Septante, qu’il suit dans ses plus grandes erreurs[1]. L’auteur n’est pas un juif de naissance ; il écrit sûrement pour des non-juifs ; il n’a qu’une connaissance superficielle de la géographie de la Palestine[2] et des mœurs des juifs ; il omet tout ce qui serait sans intérêt pour des non-israélites[3], et il ajoute des notes insignifiantes pour un Palestinien[4]. La généalogie qu’il prête à Jésus suppose qu’il s’adressait à des gens qui ne pouvaient pas facilement vérifier un texte biblique[5]. Il atténue ce qui montre l’origine juive du christianisme, et, quoiqu’il ait pour Jérusalem bien des traits d’une compassion tendre[6], la Loi n’existe plus pour lui que comme un souvenir.

L’esprit qui a inspiré Luc est ainsi bien plus facile à déterminer que celui qui a inspiré Marc et l’auteur de l’Évangile selon Matthieu. Ces deux derniers

  1. Act., xiii, 41 (comp. Habacuc, i, 5).
  2. Luc, xvii, 11.
  3. Par exemple, les longues disputes de Jésus et des pharisiens, Marc, vii, 1-23.
  4. Luc, iv, 31 ; xix, 29 ; xxii, 1.
  5. Ainsi il suffisait d’avoir une Bible pour voir que Salathiel était fils de Jéchonias (I Chron., iii, 17 ; Matth., i, 12) et non de Néri (Luc, iii, 27).
  6. Luc, xix, 41-44 ; xxiii, 27-30.