Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/329

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quences tiennent à la nature même de la parabole et en font le charme. Matthieu arrondit les contours un peu secs de Marc ; Luc fait bien plus ; il écrit, il montre une vraie entente de la composition. Son livre est un beau récit bien suivi, à la fois hébraïque et hellénique[1], joignant l’émotion du drame à la sérénité de l’idylle. Tout y rit, tout y pleure, tout y chante ; partout des larmes et des cantiques ; c’est l’hymne du peuple nouveau, l’hosanna des petits et des humbles introduits dans le royaume de Dieu. Un esprit de sainte enfance, de joie, de ferveur, le sentiment évangélique dans son originalité première répandent sur toute la légende une teinte d’une incomparable douceur. On ne fut jamais moins sectaire. Pas un reproche, pas un mot dur pour le vieux peuple exclu ; son exclusion ne le punit-elle pas assez ? C’est le plus beau livre qu’il y ait. Le plaisir que l’auteur dut avoir à l’écrire ne sera jamais suffisamment compris.

La valeur historique du troisième Évangile est sûrement moindre que celles des deux premiers. Cependant, un fait remarquable, qui prouve bien que les Évangiles dits synoptiques contiennent vraiment un

  1. Le préambule est d’un style tout hellénique (comparez, par exemple, le prologue du traité De la matière médicale de Dioscoride) ; dans le reste de l’ouvrage, ce sont les documents utilisés par l’auteur qui font la couleur hébraïque.