Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

place à côté de Jésus, non sur les montagnes d’or de Galilée, éclairées par le soleil du royaume de Dieu, mais dans le monde idéal de la vertu parfaite. Sans résurrection, sans Thabor chimérique, sans royaume de Dieu, il prêcha le sacrifice, le renoncement, l’abnégation. Il fut le pic de neige sublime que l’humanité contemple avec une sorte de terreur à son horizon ; Jésus eut le rôle plus aimable de dieu parmi les hommes ; le sourire, la gaieté, le pardon lui furent permis.

La littérature, de son côté, devenue tout à coup grave et digne, atteste un immense progrès dans les mœurs de la haute société. Déjà Quintilien, aux plus mauvais jours du règne de Domitien, avait tracé ce code de la probité oratoire, qui devait se trouver en un si parfait accord avec nos meilleurs esprits du xviie et du xviiie siècle, Rollin, MM. de Port-Royal ; or l’honnêteté littéraire ne va jamais seule ; il n’y a que les siècles sérieux qui puissent avoir une littérature sérieuse. Tacite écrivait l’histoire avec ce haut sentiment d’aristocrate qui ne le préservait pas des erreurs de détail, mais lui inspirait ces colères vertueuses qui ont fait de lui pour l’éternité le spectre des tyrans. Suétone se préparait par des travaux de solide érudition à son rôle d’exact et impartial biographe. Pline, homme bien élevé, libéral, humain, cha-