Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/466

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Marcion et les gnostiques reprendront avec plus de vigueur, parut un affreux scandale à la conscience chrétienne. En séparant de Jésus l’être fantastique appelé Christos, elle n’allait pas à moins que scinder la personne de Jésus, à enlever toute personnalité à la plus belle partie de sa vie active, puisque le Christ se trouvait ainsi n’avoir été en lui que comme quelque chose d’étranger à lui et d’impersonnel. On conçoit, en particulier, que les amis de Jésus, ceux qui l’avaient vu et chéri, enfant, jeune homme, martyr, cadavre, en fussent indignés. Leurs souvenirs représentaient Jésus aussi aimable, aussi dieu, à un moment qu’à un autre ; ils voulaient qu’on l’adoptât, qu’on le révérât tout entier. Jean, à ce qu’il paraît, repoussait les doctrines de Cérinthe avec colère. Sa fidélité à une affection d’enfance pourrait seule excuser certains traits de fanatisme qu’on lui attribue, et qui, du reste, semblent n’avoir pas été en dehors de son caractère habituel[1]. Un jour, entrant dans un établissement de bains à Éphèse, et apercevant Cérinthe ; « Fuyons, dit-il, l’édifice va s’écrouler, puisque Cérinthe y est, l’ennemi de la vérité[2]. » Ces

  1. Voir l’Antechrist, p. 347 et suiv.
  2. Irénée, III, iii, 4 (anecdote de Polycarpe) ; Eusèbe, H. E., III, xxviii, 6 ; IV, xiv, 6. Épiphane, hær. xxx, 24, met Ebion en place de Cérinthe, par lapsus. L’anecdote a peut-être été inventée d’après le passage II Joh., 10, 11, censé authentique.