premières années qui suivirent la catastrophe de l’an 70 furent-elles remplies d’une fièvre intense, la plus forte peut-être que la conscience juive eût traversée. Édom (c’était le nom par lequel les juifs désignaient déjà l’empire romain[1]), l’impie Édom, l’éternel ennemi de Dieu, triomphait. Les idées que l’on croyait les plus indéniables étaient arguées de faux. Jéhovah semblait avoir rompu son pacte avec les fils d’Abraham. C’était à se demander si même la foi d’Israël, la plus ardente assurément qui fut jamais, réussirait à faire volte-face contre l’évidence et, par un tour de force inouï, à espérer contre tout espoir.
Les sicaires, les exaltés avaient presque tous été tués ; ceux qui avaient survécu passèrent le reste de leur vie dans cet état de stupéfaction morne qui suit, chez le fou, les accès furieux. Les sadducéens avaient à peu près disparu, en l’an 66[2] avec l’aristocratie sacerdotale qui vivait du temple et en tirait tout son prestige. On a supposé que quelques survivants des grandes familles se réfugièrent avec les hérodiens dans le nord de la Syrie, en Arménie, à Palmyre, restèrent longtemps alliés aux petites dynasties de