Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mait ces excès. Certains s’interdisaient toute jouissance[1], vivaient dans les larmes et le jeûne, ne buvaient que de l’eau. Johanan ben Zakaï les consolait : « Ne t’attriste pas, mon fils, disait-il à un de ces désespérés ; à défaut des holocaustes, il nous reste un moyen d’expier nos péchés, qui vaut bien l’autre, les bonnes œuvres. » Et il rappelait le mot d’Isaïe : « J’aime mieux la charité que le sacrifice[2]. » Rabbi Josué était dans les mêmes sentiments, « Mes amis, disait-il à ceux qui s’imposaient des privations exagérées, à quoi bon vous abstenir de viande et de vin ? — Comment ! lui répondait-on, nous mangerions la chair dont on faisait le sacrifice sur l’autel détruit aujourd’hui ? nous boirions le vin avec lequel on offrait la libation sur ce même autel ? — Eh bien, répliquait Rabbi Josué, ne mangeons pas alors de pain, puisqu’il n’est plus possible de faire des offrandes de farine ! — En effet, on pourrait se nourrir de fruits. — Que dites-vous ? Les fruits ne sont pas permis davantage, puisqu’on ne peut plus en offrir les prémices au temple[3]. » La force des choses s’imposait. On maintenait théoriquement l’éternité de la Loi ; on soutenait qu’Élie même n’en

  1. Mischna, Sota, ix, 15 ; Tosifta, ibid., xv
  2. Aboth de-rabbi Nathan, c. iv.
  3. Talm. de Bab., Baba bathra, 60 b