Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/75

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et comme le camp retranché du fanatisme en Judée. Nous verrons le judaïsme y livrer à la puissance romaine un dernier et impuissant combat.

À Béther semble avoir été composé un livre singulier, parfait miroir de la conscience d’Israël à cette époque, où se retrouvent le puissant ressouvenir des défaites passées et le pressentiment fougueux des révoltes futures, je veux parler du livre de Judith[1]. L’ardent patriote qui a composé cette agada en hébreu[2] a calqué, selon l’usage des agadas juives, une histoire bien connue, celle de Débora,

  1. Josèphe ne connaît pas encore le livre de Judith. Or, si ce livre avait été publié avant 70, il serait inconcevable que Josèphe ne l’eût pas connu, et plus inconcevable encore que, l’ayant connu, il n’en eût pas fait usage, ce livre rentrant parfaitement dans son objet fondamental, qui est de relever l’héroïsme de ses compatriotes et de montrer qu’à cet égard ils ne le cédèrent en rien aux Grecs et aux Romains. D’autre part, vers l’an 95, Clément Romain (Ad Cor. 1, 55 et 59, édit. de Philothée Bryenne) cite le livre de Judith. Ce livre a donc été composé vers l’an 80. La constitution juive qui résulte du récit est bien celle qui devait plaire aux survivants de la révolution de 66. Israël, selon l’auteur, n’a d’autre gouvernement que la γερουσία centrale et le grand prêtre (iv, 6, 8).
  2. Le texte grec porte des traces évidentes d’une traduction de l’hébreu, par exemple iii, 9, et dans les noms propres de lieu. Le texte chaldéen dont parle saint Jérôme (Præf.), s’il a existé, n’était pas l’original. La version de saint Jérôme n’a ici aucune valeur ; le grec seul fait autorité. C’est d’après le grec que nous citons. V. Fritzsche, Libri apocr. Vet. Test., p. 165 et suiv.