Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/84

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ensemble comme ces êtres doubles, soudés par une partie de leur organisme quoique distincts pour tout le reste. L’un des êtres transmettait à l’autre des sensations, des volontés. Un livre sorti des passions juives les plus ardentes, un livre zélote au premier chef, était immédiatement adopté par le christianisme, se conservait par le christianisme, s’introduisait grâce à lui dans le canon de l’Ancien Testament[1]. Une fraction de l’Église chrétienne, à n’en pas douter, avait ressenti les émotions du siège, partageait les douleurs et les colères des juifs sur la destruction du temple, gardait de la sympathie pour les révoltés ; l’auteur de l’Apocalypse, qui probablement vivait encore, avait sûrement le deuil au cœur, et supputait les jours de la grande vengeance d’Israël. Mais déjà la conscience chrétienne avait trouvé d’autres issues ; ce n’était pas seulement l’école de Paul, c’était la famille du maître qui traversait la crise la plus extraordinaire, et transformait selon les nécessités du temps les souvenirs mêmes qu’elle avait gardés de Jésus.

  1. Une réflexion analogue peut être faite sur le livre essentiellement juif de Tobie ; mais la date de ce livre est très-difficile à fixer.