Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’entendre adresser aux incrédules cet appel pressant : « Voilà quarante ans que je vous attends ; il est temps ; prenez garde »[1]. Toutes ces coïncidences, qui faisaient tomber l’année apocalyptique vers l’an 73, les souvenirs récents de la révolution et du siège, l’accès étrange de fièvre, d’exaltation, de folie, qu’on avait traversé, et ce comble du prodige, que, après des signes si évidents, les hommes eussent encore le triste courage de résister à la voix de Jésus qui les appelait, tout cela paraissait inouï et ne s’expliquait que par un miracle. Il était clair que le moment approchait où Jésus allait paraître et le mystère des temps s’accomplir.

Tant que l’on fut sous le coup de cette idée fixe et que l’on envisagea la ville de Pella comme un asile provisoire où Dieu lui-même nourrissait ses élus et les préservait de la haine des méchants[2], on ne pensa point à s’éloigner d’un endroit que l’on croyait avoir été désigné par une révélation du Ciel[3]. Mais, quand il fut clair qu’il fallait se résigner à vivre encore, un mouvement se fit dans la communauté ; un grand nombre de frères, y compris les membres de la famille de Jésus, quittèrent Pella et allèrent s’éta-

  1. Hébr., iii, 7 et suiv. Cf. Saint Paul, p. lxi.
  2. Apoc., xii, 14.
  3. Voir l’Antechrist, p. 296-297.