Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/158

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culation théologique furent pour eux une page blanche, et peut-être eurent-ils raison. Le christianisme ne venait satisfaire aucune vaine curiosité ; il venait consoler ceux qui souffrent, toucher les fibres du sens moral, mettre l’homme pieux en rapport, non avec un éon ou un logos abstrait, mais avec un Père céleste, plein d’indulgence, auteur de toutes les harmonies et de toutes les joies de l’univers. Le christianisme primitif n’eut, de la sorte, ni science, ni philosophie. Saint Paul, surtout vers la fin de sa vie, sent déjà le besoin d’une théologie spéculative ; il se rapproche de Philon[1], qui, cent ans auparavant, avait essayé de donner au judaïsme une tournure rationaliste. Les Églises d’Asie Mineure, vers le même temps, se lançaient dans une sorte de cabbale, qui rattachait le rôle de Jésus à une ontologie chimérique et à une série indéfinie d’avatars[2]. L’école d’où sortit le quatrième Évangile éprouva de même le besoin d’expliquer les faits miraculeux de la Galilée par une théologie. Jésus fut le logos divin fait chair ; l’idée toute juive de l’apparition future du Messie se vit remplacée par la théorie du Paraclet. Cérinthe obéit à une tendance analogue. À Alexandrie, cette soif

  1. V. l’Antechrist, ch. iv.
  2. Col., ii, 18 ; I Tim., i, 4 ; vi, 20. Cf. I Cor., i, 24, 30 ; ii, 6.