Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/167

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Molle et non fixée, la matière évangélique se prêtait encore aux transformations. Toutes les particularités de la vie de Jésus recouvrirent, selon ces évangélistes nouveaux, quelque chose de sublime ; tous les miracles devinrent symboliques ; les folies de la ghematria juive furent relevées et aggravées[1]. Comme Cérinthe, les nouveaux docteurs traitaient l’Ancien Testament de révélation secondaire, et ne comprenaient pas que le christianisme conservât un lien quelconque avec la religion de ce dieu particulier, Jéhovah, qui n’est en rien l’être absolu. Y avait-il une meilleure preuve de la faiblesse de ce Dieu que l’état de ruine et d’abandon où il laissait sa ville, Jérusalem[2] ? Jésus certes, disaient-ils, sut voir plus loin et plus haut que les fondateurs du judaïsme ; mais ses apôtres ne le comprirent pas ; les textes qui prétendent représenter sa doctrine sont altérés. La gnose seule, grâce à une tradition secrète, est en possession de la vérité. Un vaste système d’émanations successives renferme tout le secret de la philosophie et de l’histoire. Le christianisme, qui est l’acte le plus récent de la tragédie que joue l’univers, est l’œuvre de l’éon Christos, qui, par son union intime avec l’homme Jésus, a sauvé ce qui est sauvable dans l’humanité.

  1. Irénée, I, iii, 3 ; viii, 2, 4 ; xiv, 6 ; II, ch. xx et suiv.
  2. Irénée, IV, iv, 1.